La promesse, répétée inlassablement aux parlementaires le jour de la présentation du projet de loi de finances (PLF), est alléchante : « Jamais un Parlement n’a eu autant de pouvoir […]. Le budget que la France connaîtra en 2026, c’est votre budget », a assuré la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, lors de son audition devant les députés, le 14 octobre. Avec l’engagement de Sébastien Lecornu de ne pas recourir à l’article 49.3, toutes les propositions pourront être débattues et votées, avance le gouvernement pour convaincre les parlementaires de laisser l’exécutif défendre son budget.
Le texte initial contient « toutes les accroches juridiques pour l’amender sur les très nombreux sujets dont vous m’avez fait part », a ainsi avancé Amélie de Montchalin. Le gouvernement a d’ores et déjà lancé des clins d’œil appuyés en direction des parlementaires et esquissé les sujets sur lesquels il les invite à trouver un compromis. En face, les députés ont commencé à faire connaître leurs revendications, ainsi que leur opposition à certaines mesures du texte. Contexte passe en revue les principaux sujets de la négociation budgétaire qui s’annonce et qui doit mener à l’adoption d’un projet de loi de finances « de compromis ».
La taille du ring fait déjà débat
Le gouvernement a lâché du lest sur son objectif de déficit à 4,7 % du PIB en 2026, laissant entendre qu’il pourrait être relevé à 4,9 %, pour donner une marge de manœuvre aux propositions des parlementaires. Une concession qui coûterait 6 milliards d’euros aux finances publiques, selon Bercy. Le ministère avertit toutefois : le seuil de 4,9 % constitue la « limite extrême » pour rester en compatibilité avec les règles européennes.
« Je serai intraitable sur notre trajectoire budgétaire », a prévenu le ministre de l’économie, Roland Lescure, lors de la même audition, rappelant que tout ralentissement de la baisse des dépenses en 2026 « sera autant d’efforts à fournir les années suivantes ».
Le gouvernement est pris en étau. À gauche, Éric Coquerel, président (LFI) de la commission des finances, a raillé « une liberté très encadrée », et le PS s’est inquiété d’un objectif de 4,7 % « particulièrement dur pour les Français » et de ses « effets récessifs s’il n’était pas assoupli ». La droite a fait savoir qu’elle pèserait dans l’autre sens. Jean-René Cazeneuve (EPR), s’est inquiété auprès des deux ministres de la hausse des dépenses que représenterait un tel assouplissement. Et Philippe Juvin (DR), rapporteur général du budget, a érigé la cible d’un déficit à 2,8 % du PIB en 2029 en priorité absolue.
La fiscalité des plus riches
La copie initiale de l’exécutif prévoit un paquet de trois mesures fiscales, pour un total de 6,5 milliards d’euros de recettes : taxe sur les holdings (1 milliard), contribution différentielle sur les hauts revenus (1,5 milliard) et surtaxe sur les grandes entreprises (4 milliards). La mise de départ est toutefois jugée insuffisante par la gauche, et notamment par le PS, qui regrette que les biens professionnels ne soient pas concernés par la taxe sur les holdings. La fiscalité des plus riches est identifiée comme un des principaux points de négociation avec les parlementaires, explique à ce propos un conseiller de l’exécutif.
Amélie de Montchalin s’est notamment dite « ouverte » à ce que des débats émergent sur des « dispositifs fiscaux qui ont été dévoyés […] et qui ont été très bien évalués par la Cour des comptes », et sur lesquels de nouveaux rendements sont à « aller chercher ». Sauf que la droite a d’ores et déjà fait savoir qu’elle veillerait à limiter les hausses de fiscalité : « Il ne faut pas que l’examen se transforme en feu d’artifice des impôts », prévient le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson. Son homologue à l’Assemblée, Philippe Juvin (lui aussi LR), entend également préserver une part majoritaire des économies dans l’effort budgétaire. Il s’est, par ailleurs, montré sceptique concernant la taxation des holdings.
Les niches fiscales, un sujet « typiquement parlementaire »
En matière de niches fiscales, ce ne sont pas tant les réductions inscrites dans le PLF 2026 que celles qui n’y figurent pas qui ont été relevées par les parlementaires. La chasse aux niches fiscales et sociales promise par le gouvernement se traduit dans le texte par une rationalisation de plusieurs dispositifs qui doit rapporter près de 5 milliards d’euros. Mais le texte déposé par le gouvernement ne contient rien au sujet de certaines dépenses fiscales sur lesquelles une réforme avait été évoquée, comme le crédit d’impôt services à la personne (Cisap) ou le pacte Dutreil.
« Les niches, c’est typiquement un sujet que l’on laisse à la discussion avec les parlementaires », explique un conseiller de l’exécutif à ce sujet. Les députés PS comptent bien obtenir des victoires sur ce sujet, auquel ils s’attaquent chaque année. Le Cisap et le pacte Dutreil ont également été pointés du doigt par un rapport de l’ex-rapporteur général du budget à l’Assemblée, Charles de Courson (relire notre article).
« Je serai évidemment très ouverte à ce que vous fassiez des propositions complémentaires, les niches ne sont pas des monuments », a assuré Amélie de Montchalin devant la commission des finances de l’Assemblée.
La ministre avait ouvert la porte à une réforme du Cisap au printemps. Sur le sujet du pacte Dutreil, Bercy renvoie aux propositions que formulera la Cour des comptes dans un rapport qui sera publié sous peu. Toutefois, le crédit d’impôt recherche (CIR) reste pour l’heure un totem pour le gouvernement. « Je serai extrêmement sensible à la préservation de ce crédit d’impôt », a prévenu le ministre des finances, Roland Lescure, lors de son audition.
À l’inverse, la réduction de certaines niches pourrait susciter des oppositions au sein du Parlement. La volonté du gouvernement de réduire les niches brunes à travers une réforme de la fiscalité sur certains carburants inscrite dans le PLF sera notamment un sujet sensible. Le rapporteur général du budget à l’Assemblée, Philippe Juvin (LR), y est opposé.
Les collectivités, un point à donner au Sénat
Comme chaque année, le débat sur les économies demandées aux collectivités devrait être purgé dans l’enceinte de la Chambre haute, avec laquelle le gouvernement sait qu’il doit négocier un compromis. Pour l’heure, Bercy ne détaille pas le montant de l’effort demandé, en attendant la présentation des mesures au comité des finances locales (CFL), qui doit avoir lieu ce 15 octobre. Le PLF reprend toutefois la plupart des mesures du projet de François Bayrou, qui prévoyait un effort de 5,3 milliards. La majorité sénatoriale exige toujours de limiter son montant à 2 milliards d’euros.
« On pourra revenir, évidemment, dans les débats sur la quantité d’efforts et sur la répartition de l’effort », a esquissé Amélie de Montchalin devant la commission des finances.
Divers sujets d’entente
De la même manière que pour les niches fiscales, les députés ont souligné l’absence de mesure sur le logement dans le texte initial et, notamment, sur le « statut de bailleur privé », pourtant préparée par le gouvernement Bayrou. Les députés LR et MoDem ont ainsi fait savoir qu’ils comptaient porter des propositions sur le sujet. La ministre du budget a laissé la porte ouverte, évoquant de potentiels mécanismes fiscaux ou budgétaires.
Amélie de Montchalin a également cité la lutte contre la fraude, sujet cher aux LR, comme un thème sur lequel elle identifiait un « consensus possible ». Un texte sur le sujet a été présenté en Conseil des ministres le 14 octobre et doit permettre de trouver 1,5 milliard d’euros en 2026.
Des mesures urticantes
L’année blanche sur les prestations sociales, les retraites et les barèmes de l’impôt fait déjà l’objet de critiques de plusieurs groupes et risque d’être un sérieux sujet d’achoppement. Problème, elle doit rapporter 6 milliards d’euros et représente une des plus grosses sources de rendement du projet de loi de finances.
De même, la réforme de la franchise de TVA pour les petites entreprises préparée par le gouvernement Bayrou, et réintroduite dans le PLF, a été prise en grippe. La députée PS Christine Pirès Beaune a ainsi souligné que l’Assemblée s’était prononcée à l’unanimité pour revenir au cadre qui prévalait en 2025. Le gouvernement continue de défendre le bien-fondé de la mesure.
À l’inverse, une mesure très politique semble finalement être vue d’un œil bienveillant par les députés : la suspension de la réforme des retraites. La mesure, exigée par le PS pour accepter la non-censure du gouvernement, a fait l’objet d’un engagement de Sébastien Lecornu. Pourtant vivement critiquée par les députés EPR il y a encore quelques jours, elle n’a suscité que de timides oppositions après la déclaration de politique générale. Si le député EPR de Paris Sylvain Maillard a averti qu’il ne voterait pas cette mesure, son collègue Jean-René Cazeneuve a tenu à « saluer le geste d’apaisement du premier ministre ». Tout compromis a un coût.
 
                 
        
           
        
       
   
   
   
   
  